Février 2017
Madame Léa Salamé,
Messieurs David Pujadas, François Lenglet, Karim Rissouli
à propos de votre « émission politique » du 23 février dernier.
Ma lettre : https://www.youtube.com/watch?v=qrCd55miHxg
J’avais très mal vécu l’émission où vous receviez Monsieur Mélenchon, je me suis même joint, dans un premier temps, au concert d’aboiements fustigeant vos propos, votre attitude, je vous avait même trouvés abjects, en particulier au sujet des Droits de l’Homme. J’avais aussi, je l’avoue, cherché à faire l’intéressant en ironisant sur la prestation et les chaussures de sport de Monsieur Lenglet, etc …
Et puis quelques jours ont passé, me permettant de prendre du recul, d’examiner plus objectivement les choses, de faire le lien avec d’autres événements, d’autres personnages, d’autres prises de position, et justement, c’est à cela que je voulais en venir.
Votre, (le mot qui me vient naturellement est « camarade » mais je ne sais pas si c’est dans vos usages ni si vous l’êtes réellement, je dirais donc « Votre collègue »), collègue, Christophe Barbier, avait tenté d’attirer notre attention à propos du double meeting, vous savez, celui avec l’hologramme, « trop intellectuel » avait-il décrété. Et moi, j’avais voulu faire le malin en lui répondant sur tweeter « parce que nous sommes trop cons pour comprendre ? ».
C’est en constatant l’effet produit par votre émission que j’ai compris que Monsieur Barbier avait raison, j’étais trop con ! Je n’avais rien compris ! Il a toute ma gratitude.
Je vous présente toutes mes excuses et mon admiration. Cela faisait des mois et des mois que nous, les insoumis, avec Jean-Luc Mélenchon et son équipe, bâtissions le programme, cherchant des solutions, avec les associations qui œuvrent au jour le jour, que les intellectuels membres du mouvement, si, si, il y en a, beaucoup même ! Certains, comme disait Coluche, ils écrivent des bouquins que nous, les engourdis des neurones, nous ne comprenons même pas le titre ! Et vous savez quoi ? Ils ne nous snobent même pas, ils ne veulent même pas être plus égaux que nous ! Bon excusez-moi, je m’égare. Donc on avait construit le programme, essayé qu’il soit cohérent et compréhensible, Monsieur Mélenchon essayait de faire passer les messages.
Il a beau faire des super meeting, avec de la force, de la conviction, de l’humour, de la réflexion, de la pédagogie, de la culture, et même de la poésie à la fin. Ce n’est pas rien quand même, il se donne du mal. Nous progressions, mais il est vrai que les histoires autour de la primaire du PS ne nous facilitaient pas la tâche. Nous étions coincés, entre Macron d’un coté, Hamon de l’autre, et puis ceux mis sur la sellette. La moitié des gens qui n’ont pas encore choisi, et bien sûr, la victoire de qui vous savez, annoncée comme inéluctable; et les chiffres des soit-disant sondages, en infraction avec la loi mais publiés quand même. Moi j’étais à deux doigts de me décourager !
Et puis votre émission qui bouscule tout ! Quelle efficacité ! Le paysage de la Présidentielle, qui s’éclaircit tout à coup, comme quand le brouillard se lève. Je suis impressionné, chapeau !
Le point point FR, non, pas le poin-poin, c’est pas le canard enchaîné, Le Point.fr, le journal « Le point » version internet, pas Fakir, pas l’Humanité, pas un de nos journaux ! Le journal « Le Point » qui fait un sondage « Pour qui allez-vous voter ? » pas tout à fait un sondage, disons une enquête, une question, sur internet, posée à qui veut répondre. Mais en quelque jours … Waaouuuu ! ! ! comme disent les jeunes ! La première fois, je suis arrivé sur le sondage en suivant un lien, j’ai bien sûr dis que je voterai pour Jean-Luc, et ensuite, on peut voir les résultats. Je ne sais pas quand l’enquête a été lancée :
- après que 45 600 personnes aient indiqué leur choix : Le Pen 11,8%, Fillon 23%, Macron 15,5%, Hamon 5%, Dupont-Aignan 2,5%, Jean-Luc Mélenchon 27,7%, aucun de ces candidats 14,5%
Déjà, à ce stade, c’était énorme ! Et puis quelques dizaines d’heures plus tard, :
- après que 77 362 personnes ont indiqué leur choix : Le Pen 10,9%, Fillon 18,2%, Macron 12,9%, Hamon 5,6%, Dupont-Aignan 2,2%, Jean-Luc Mélenchon 35,5%, aucun de ces candidats 14,8%
Ce n’est pas un sondage, l’échantillon n’est pas représentatif, mais 77 362 personnes, ce n’est pas rien, quand même !
C’est là que j’ai compris, enfin, cela m’a fait réfléchir. Je me suis demandé d’où ça pouvait venir, bien sûr, on progressait, on était très content, mais il restait quand même un sacré bout de chemin à faire, et pas moyen d’accélérer, et puis tout à coup, voilà que ça a l’air de s’emballer ? Et en même temps, je repensais votre ‘émission, à Vous, Madame Salamé, avec vos rengaines obsessionnelles, vous changez d’obsession selon les circonstances, mais le procédé reste le même. Un procédé que j’ai déjà rencontré, j’en suis certain, et en plus ça me réconforte, oui c’est encore flou, mais ça remonte du fond de ma mémoire, et c’est agréable, je ne sais pas encore ce que c’est, mais je suis sûr que ça va me faire plaisir!
Et ça y est ! Du bonheur ! Oui, du bonheur ! « Que diable allait-il faire dans cette galère ! »
Je ne parle pas de Jean-Luc Mélenchon, « Que diable allait-il faire dans cette galère ! », je parle de vous, Madame Salamé ! Vous êtes en train de nous jouer les fourberies de Scapin. Votre rengaine : « Mais la Russie ? Monsieur Mélenchon », c’est le « Que diable allait-il faire dans cette galère ! » de Molière !
Bon sang, mais c’est bien sûr ! C’était du théâtre, c’était voulu, c’est du second degré ! Et c’est génial ! Cette idée de traiter par la caricature toutes ces questions imbéciles dont on nous le harcèle habituellement, c’est très fort, c’est de vous ? Chacun écrit son texte ? C’est M’sieur Pujadas ? ou bien il y a un auteur professionnel ? Laurent Baffie, peut-être ? Ou alors toute une équipe, comment on dit maintenant, du scories-telling, c’est ça ? En tous cas, chapeau, vous les avez habillés pour l’hiver, les roquets des médias !
Et puis, sur le plan théâtral, c’est exceptionnel, je me demande même si ce n’est pas cela qui aurait troublé Monsieur Torreton, parce qu’en réalité, vous nous avez joué deux scènes de la même pièce, en même temps ! Et dans une économie de moyen ! Pas de décor, pas d’accessoire, donc, pas de basse-cour effarouchée pour caqueter « Combien ça coute? » ! Et pourtant tout est là ! « Que diable allait-il faire dans cette galère » et la scène du sac et des coups de bâton, et pas du lourdingue, hein, du dépouillé, de l’essentiel, de la quintessence, du théâtre minimaliste, les coups de bâton, sans le bâton ! Sublime !
D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon, dans sa revue de la semaine frôle la vérité, mais ne la perçoit pas totalement, il faut dire qu’il a tout pris au premier degré, et ça lui a fait très mal, on peut comprendre. Pourtant il passe tout près de la vérité quand il dit « ils ont monté une émission anxiogène … », et bien oui, c’est « monté », c’est un spectacle, un peu plus loin, il dit « à la limite, ils m’ont rendu service, c’est tellement grossier, tellement vulgaire, ils se sont tellement pris les pieds dans le tapis … » Oui, mais il ne fallait pas le dire, c’est fait exprès, tous les clowns savent faire semblant de se prendre les pieds dans le tapis, Ils font semblant, c’est un rôle, c’est une pièce qu’ils nous jouent ! Et c’est très fort, en fait ils nous soutiennent mais ils font semblant d’être contre pour mieux faire passer notre message. Et en plus, ils sont drôlement courageux, ils sont près a se faire traiter de tous les noms et à se faire traîner dans la boue par ceux qu’ils soutiennent par en dessous, si c’est pas du dévouement et de l’abnégation, hein ?
Par exemple, Monsieur Lenglet, il a des airs de Mr Loyal, c’est normal, c’est du cirque, dans la pure tradition du cirque familial où chacun avait plusieurs rôles, et lui, il sait tout faire, jongler avec les chiffres, faire disparaître des idées reçues quand il fait apparaître des objets insolites, sortis on ne sait d’où, la paire de pompe, par exemple. Vous avez vu ça ! Il les fait apparaître sur la table, il prononce la formule magique « OnnefabrikplusrienenFrance » suivi de l’autre formule tout aussi magique « vomieukilsrestentpauvsansçailsachètentnimportekoitellementkysontkon», et hop c’est le déclinisme qui passe à la trappe : ah oui, on ne seraient plus capable de faire des godasses en France ! Et avec le déclinisme, passe aussi à la trappe le mépris des pauvres et des petites gens, comme ça, sans l’air d’y toucher, en exagérant juste ce qu’il faut. C’est très fort, en plus le choix de la marque, des « nique », le message est clair, tout le monde comprends assez d’argot pour saisir l’allusion du premier degré, mais il y a encore plus fort, au deuxième degré, il nous dit « le personnage de gros con que je joue devant vous ce soir, il a compris que vous allez gagner, et qu’il va devoir se sauver en courant », en fait il nous encourage. Et en plus, troisième degré, c’est que ces pompes, ils les a pas choisies au hasard, il les a choisies pour offrir à Jean-Luc Mélenchon l’occasion de rappeler que ces marques, ici elles coûtent la peau des fesses à ceux qui les achètent, et là-bas, elles coûtent la peau du dos à ceux qui les fabriquent à coup de trique. Ah, c’est drôlement fort, non ?
Mais pour moi, la palme, c’est quand même m’sieur Pujadas. D’abord, si c’est lui qu’a eut l’idée, chapeau ! Et si en plus, c’est lui qui a écrit tous les textes … Vous croyez pas ?
Mais même sans ça, quand j’ai compris que c’était une mise en scène, j’ai regardé l’émission en replay, en entier, pour être sûr de ne rien rater. Et bien, oui, je dis, le plus fort, c’est m’sieur Pujadas ! Comment il l’a jouée, la scène avec Monsieur Torreton, trop bon ! Monsieur Torreton aussi, il a été bien, mais lui, c’est plus facile, il joue un gentil, et dans la vraie vie, c’en est un, gentil, charmant, cultivé, intelligent, c’est quand même plus facile que le rôle de M’sieur Pujadas, qui lui doit jouer un type abject, méchant, vicieux, c’est pas facile d’être comme ça à contre-nature, mais il a été magistral ! Le moment où il fait semblant de détester Monsieur Torreton parce qu’il ne dirait pas ce qu’il aurait du dire, je me suis laissé prendre ! le regard de haine qu’il lui lance, trop fort ! j’aurais juré qu’il le détestait vraiment !
Ah moi je dis : ça mérite un Molière ! Et en plus, il sait prendre des risque, m’sieur Pujadas, hein ? Il n’a peur de rien ! Parce que, aller chercher un acteur comme Monsieur Torreton sur son propre terrain ! Pour lui donner carrément une leçon de théâtre ! C’est pas donné à tout le monde ! Faut oser !
Et puis quelle efficacité ! Vous avez vu l’enquête du Point, comment Jean-Luc Mélenchon se retrouve seul en tête, oui, je sais c’est pas un sondage, mais rappelez-vous, en 2005 tous les sondages disaient « A part quelques énergumènes, les Français vont dire OUI à une très large majorité ». Ah M’sieur Pujadas, vous l’avez sacrément nettoyé, le paysage politique ! Bon, tout ce que je dis là, en dévoilant votre stratégie, j’espère que ça va pas nuire à votre carrière. Remarquez, je pense que cela vous importe peu, puisque vous croyez à la victoire de M’sieur Mélenchon.